Quelle chance.
La ‘Pataphysique a la chance d’avoir un texte fondateur : le livre total.
Ce texte fondateur de la ‘Pataphysique a la chance de susciter plusieurs interprétations, analyses, et commentaires. Bien souvent contradictoires.
Les pataphysiciens ont la chance de voir ces diverses exégèses du texte fondateur recueillies et éditées par La Pléiade, Bouquins etc.
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Cette série de chances est due au hasard et à son excroissance, la confusion.
Ces deux causes fortuites qui sont au centre de la perception panique.
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Cette série de chances permet de trouver la réponse à toutes qu’est-ce-tions et même de relire les manifestes de ladite « modernité « :
les sept « dada « de Tristan Tzara,
les deux surréalistes d’André Breton (voire le troisième),
les deux manifestes paniques,
entre autres.
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Quelle chance.
Le texte fondateur de la ‘Pataphysique est « Gestes et opinions du Docteur Faustroll pataphysicien» d’Alfred Jarry.
Quelle chance.
L’édition établie et commentée du maître livre par le Collège de ‘Pataphysique vient d’être publiée par les éditions de la différence, à Paris. On ne saurait lire l’ouvrage sans cette lumière éblouissante.
Quelle chance.
La présente édition comprend des mises à jour, découvertes et inutilités savantes des érudits hors norme Paul Gayot, Bastaiaan Van der Velden, André Stas,Pascal d’Ourcy, Alain Mignien, Marielle Mignien, Rutilie Foch, Gilles Firmin et Marianne Bourgeois.
Quelle chance.
Le soin, les connaissances, les recherches, le savoir et le talent du Sérénissime [et Représentant Hypostatique de Sa Magnificence] Thieri Foulc, dans la refonte de ce sommet de l’art, de la science et de la totalité, montrent l’essence du texte fondateur. Et même les quintessences singulières dans leur dimension ubuuniverselle, depuis le pourquoi du calcul de la surface de Dieu jusqu’aux méandres de la science des solutions imaginaires.
Quelle chance.
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Voici mon ancienne réponse (au complet) à la question «… mais, Arrabal , qu’est-ce que la ‘Pataphysique ? »
Du Collège de ’Pataphysique, je crains d’ignorer l’essentiel. (Comme de presque tout). Ou de ne pouvoir dire que ce que j’ai entendu ou lu.
Il me semble qu’il est ‘Le’ centre des recherches savantes. (Quel bonheur pour moi !) Mais surtout inutiles. (Encore mieux !) C’est-à-dire, mêlées de confusion. Un « panique » devrait s’y trouver aussi à l’aise qu’un surréaliste s’ y sentirait gêné. Le Collège, bien sûr, n’a jamais connu les veto, interdits ou expulsions. Évidemment, puisqu’il ne propose que des solutions imaginaires. Il ne peut donc qu’étudier les lois qui régissent les exceptions. « Les très riches heures du C ’P» (Fayard, 2000), du «Sérénissime plumifère» Thieri Foulc me sert de guide.
Il me semble exemplaire que Foulc soit « sérénissime » comme la plus haute autorité vénitienne, et, en même temps, « plumifère ». D’ailleurs il porte le titre de « Représentant Hypostatique de Sa Magnificence ». Puisque sa représentation hypostatique (haussée au rang du Saint Esprit), est associée à celle du crocodile. D’autre part je suis, sans mérite aucun, TS. Transcendant Satrape. Transcendant? Quoi de mieux? et satrape, ce qui équivaut à tyran? En tout cas à une sorte de sbire de l’empereur perse. Le ciel et la merde. Titre que j’avais naguère donné à deux de mes pièces.
Je crois que le C ’P de Paris est l’organe central et marginal. (Mais je commets peut-être une grossière erreur). Fédérateur et anarchiste? Le Collège dispose, à ma grande joie, de 116 Commissions, Sous-commissions et Intercommissions. Les Instituts se multiplient partout dans le monde. Ils consolident son travail austral. Le Corps des Provéditeurs du C ’P se réjouit hautement de l’existence de centaines de ces Instituts de par l’univers. Et de la création constante de nouveaux. Il semble que le Collège prépare un numéro de sa revue ‘Viridis candela/Le correspondancier’ « consacré aux travaux des ces Instituts internationaux de la Science ». Chacun d’eux sera présent. Avec les travaux et projets les plus transcendantalement titanesques. « Paris » s’est engagé à traduire même du volapük tous ces exposés, dit-on.
Malheureusement, le Collège est difficilement observable de l’extérieur. Sauf grâce au périscope de sa revue interne. Je pense que l’univers n’existe que comme addition d’éléments singuliers. Dans ce contexte, nous autres, transcendants satrapes, n’exerçons aucune fonction selon les statuts. Quelles normes édifiantes! Et nous ne jouons aucun rôle, ni négatif ni positif. Nous ne sommes pas davantage soumis à des règles. Nous agissons pataphysiquement par notre seule présence. Voire par notre absence. « Comme catalyseurs de catharsis ». Pan le veuille!
J’ai observé que le Corps des Satrapes compte une majorité d’amateurs d’échecs. Presque tous le sont ou l’étaient: Marcel Duchamp, Max Ernst, Boris Vian, Jacques Prévert, Raymond Queneau, Henri Jeanson, Topor, Michel Leiris, René Clair, Jean Dubuffet, Man Ray, Enrico Baj, Eugène Ionesco, Barry Flanagan, J-C Averty, Mandelbrot, Umberto Eco et Jean Baudrillard. Cependant je crois qu’ils n’ont pas été cooptés pour cette raison. Ce qui ajoute une autre rare exception. Les a-t-on élus en pensant seulement accueillir les créateurs « les plus originaux et séditieux des temps modernes », selon l’expression de Jean-Louis Bory?
Pour une raison éblouissante, c’est-à-dire aveuglante, en Pataphysique tout possède autant de sens que de lectures possibles et donc de lecteurs. C’est ce qui permet à Thieri Foulc de reconnaître une autre singularité :
– Le Collège passe outre à ce que les esprits moins libres tiendraient plutôt pour un lourd handicap: le Prix Nobel qui pèse sur l’estimé Dario Fo.
Celui-ci a été accompagné dans son ascension transcendante (ou descente satrapique) par Jean Baudrillard et Umberto Eco. La cérémonie a été organisée chez moi. Le Collège avait en cette occasion changé la disposition de mon appartement. Le 20 avril 2001. J’ai vraiment une chance incroyable. Ils se sont comportés avec une transcendante modestie. A une très jeune actrice le TS & Prix Nobel s’est présenté ainsi :
– Je suis Dario Fo, comédien.
J’ai tenté de déchiffrer toute la soirée le tableau réaliste que, justement, il venait de m’offrir: trois couples nus debout, copulant ? priant ? ou dansant? Topor a été coopté, ce jour-là, à titre posthume. Quelques jours plus tard son tableau « Crucifixion de Popeye » (que j’avais prêté pour une exposition à Chartres) a été transpercé par le poignard d’un fanatique.
Il me semble qu’il existe des disciples que la ‘Pataphysique ignore. Parallèlement, d’autres qu’elle ne reconnaît pas comme tels? Heidegger? Gilles Deleuze ? Celui-ci a déclaré «cette science est l’avancée des écoles philosophiques non dogmatiques d’aujourd’hui ».
Je ne crois pas que la ’P n’ait pas de sens. Ou qu’elle soit hermétique. Nous-mêmes, la petite demi-douzaine de satrapes en vie, en donnons un à nos œuvres. Ou nous nous arrangeons pour qu’elles en acquièrent un. De préférence confus comme l’existence. Pour effectuer ce que le docteur Sandomir connaît sous le nom de « bon bond ».
La ‘Pataphysique, je l’accueille comme un éternel présent. Comme un perpétuel cadeau. Comme le pain (et le cirque) quotidien. Mais je pèche peut-être par optimisme. Est-elle inébranlable dans le changement sans fin? Peu avant de mourir le TS Ionesco a reconnu :
– Je suis couvert de prix et d’honneurs: depuis l’Académie française jusqu’à celle de Boston. Mais le titre qui compte le plus pour moi est celui de Satrape: le Collège couronne toutes les académies présentes, passées ou à venir.
Un pataphysicien, serait donc quelqu’un qui ne s’ignore pas par rapport à ceux qui s’ignorent?